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Intervention de Christophe Caresche

Réunion du 16 février 2012 à 9h30
Relance européenne et renforcement du contrôle démocratique — Discussion d'une proposition de résolution européenne

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Caresche, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, l'Europe est en proie à une crise sans précédent qui ébranle ses fondements et fait douter les peuples qui la composent. Cela a commencé avec la crise des subprimes, qui s'est diffusée en Europe comme dans le reste du monde. Cela s'est poursuivi avec la crise des dettes souveraines. Cela se prolonge avec la menace sinon de la récession du moins d'une croissance atone.

Alors que, dans les autres parties du monde, la sortie de crise est une réalité, elle reste encore hypothétique en Europe. L'Europe n'était certes pas préparée à affronter une telle situation, mais elle a beaucoup tâtonné et perdu du temps, ne se décidant le plus souvent à agir qu'une fois le dos au mur.

Il ne s'agit pas pour nous de nier tout ce qui a été fait ou de rejeter par principe toutes les solutions qui ont été élaborées. On peut faire une critique radicale des insuffisances de la réponse européenne ; une autre chose est de bâtir une stratégie véritablement efficiente pour défendre les acquis de la construction européenne, en particulier l'euro, et remettre l'Europe dans la bonne direction.

Dans le processus qui s'est mis en mouvement pour tenter de résoudre la crise des dettes souveraines en Europe, deux aspects nous paraissent devoir être soulignés, et c'est l'objet de la proposition de résolution qui vous est soumise ce matin.

Le premier, c'est la manière dont ont été élaborées les réponses à cette crise mais aussi la manière dont elles sont mises en oeuvre. Au niveau tant des modalités de discussion et de décision que de la mise en oeuvre des décisions, le processus est marqué par un grand déficit démocratique. Cela nous inquiète car, sans adhésion des peuples et de leurs représentants, il ne sera pas possible de surmonter cette crise. Il y a même un véritable risque de chaos, on le voit en Grèce, à vouloir à toute force imposer des solutions qui ne sont pas acceptées.

Ce déficit démocratique s'est d'abord manifesté dans la manière dont l'Union européenne a traité la crise. Le processus de décision a été conduit à marche forcée, à coups de sommets répétitifs et de rencontres franco-allemandes. Les institutions européennes ont été marginalisées, les parlements nationaux ont été ignorés, le Conseil européen a parfois été relégué ; je pense notamment aux propositions de M. Van Rompuy à propos du traité budgétaire, qui ont été écartées. C'est dans ce contexte que s'est élaborée cette réponse.

Je suis pour ma part convaincu que, si d'autres méthodes avaient été appliquées, d'autres solutions auraient peut-être été retenues. Il ne fait nul doute pour moi que, si le traité budgétaire avait été préparé au sein d'une convention, comme cela aurait pu être le cas, sa physionomie en aurait été changée.

C'est en réalité un fonctionnement totalement atypique qui s'est mis en place, centré quasi exclusivement sur le couple franco-allemand. Certains s'en réjouiront, considérant que l'éclatement du cadre institutionnel européen est une condition pour avancer. Je ne fais pas partie de ceux-là.

Ce fonctionnement n'est pas bon pour l'Europe. Il risque de susciter la colère de ceux qui ne se sentent pas suffisamment partie prenante de la discussion. De nombreux États ont d'ailleurs dénoncé le couple « Merkozy », et de nombreux peuples s'interrogent sur ces décisions que l'on voudrait leur imposer.

Ce fonctionnement n'est pas bon pour la France. On pourrait se réjouir de figurer dans l'axe qui impulse, voire impose, les solutions, mais, en réalité, le couple franco-allemand est profondément déséquilibré. Nous avons le sentiment que, dans les discussions qui ont opposé la France et l'Allemagne sur la BCE, sur le fonds de stabilisation, sur les euro-obligations, sur le caractère contraignant de la discipline budgétaire, sur la taxe sur les transactions financières, ce sont chaque fois les positions allemandes qui ont prévalu.

Certains diront : « Oui, mais nous avons obtenu un gouvernement économique. » C'est vrai, mais celui-ci fonctionnera aux conditions allemandes : d'abord le budget et la discipline ; ensuite la croissance, mais une croissance vue uniquement sous l'angle de la compétitivité et des coûts salariaux. Si le couple franco-allemand donne à la France l'illusion de sa grandeur passée, il est surtout, pour l'Allemagne, un habillage utile pour faire entériner ses décisions.

Le déficit démocratique, c'est aussi la caractéristique des dispositifs qui ont été mis en place pour contraindre les États à la discipline ou à appliquer des programmes d'ajustement : sanctions automatiques ; judiciarisation de la discipline budgétaire avec l'intervention de la Cour de justice de l'Union européenne ; mise sous tutelle des États placés sous assistance, avec notamment, la perspective des two packs, sont autant de dispositions qui visent à écarter les représentants des peuples de leurs responsabilités.

Qu'il soit nécessaire de définir un cadre commun dans lequel les engagements soient garantis, nous en sommes d'accord et nous ne le contestons pas, mais ce cadre doit associer les représentants des peuples et non les écarter.

II nous faut donc revenir à un autre mode de fonctionnement, plus équilibré, plus respectueux des institutions européennes mais aussi des institutions nationales.

Sur ce plan, il faut se réjouir que, notamment grâce à l'action de M. Pierre Lequiller, le traité budgétaire prévoie la participation des parlements nationaux à la discussion des questions budgétaires.

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