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Intervention de Jean Leonetti

Réunion du 16 février 2012 à 9h30
Relance européenne et renforcement du contrôle démocratique — Discussion d'une proposition de résolution européenne

Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, il est difficile d'être en désaccord avec l'intitulé de la proposition de résolution. Qui ne souhaite pas relancer l'économie européenne ? Qui ne souhaite pas voir se poursuivre la démocratisation du fonctionnement des institutions européennes ?

Je n'aurai donc, dans ce début d'harmonique, que quelques bémols à apporter. D'abord, cette Europe démocratique, pleinement investie dans la stimulation de la croissance, c'est celle que nous construisons. Par ailleurs, quand elles ne confortent pas notre action, les solutions que vous proposez, monsieur le rapporteur, sont quelquefois utopiques, ou dangereuses.

Enfin, il faut que les propositions aient une cohérence d'ensemble, que les nécessaires équilibres entre la Commission, l'intergouvernemental, le Conseil et le Parlement soient respectés.

Je vous remercie, monsieur Caresche, de conforter la position du Gouvernement par vos propositions. La proposition de résolution affirme en effet que « la croissance et l'emploi doivent être au coeur de nos priorités ». Or c'est précisément ce qui a inspiré les mesures que nous avons annoncées le 30 janvier. Je me permets de rappeler que, parallèlement aux traités sur le Mécanisme européen de stabilité – MES – et sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – SCG –, une déclaration, qui, loin d'être incantatoire, était extrêmement réaliste, faisait des propositions concrètes. Ainsi, les fonds structurels non utilisés, qui représentent 82 milliards d'euros, seront réaffectés à des projets en faveur de l'emploi, notamment l'emploi des jeunes, en utilisant le Fonds social européen à hauteur de 22 milliards ; nous améliorerons le financement des petites et moyennes entreprises, en allégeant leurs obligations comptables et en encourageant le développement du capital-risque. Je ne doute pas que chacun, dans l'hémicycle, partage ces deux objectifs.

Vous proposez d'autre part de relancer l'investissement en mettant en place une politique budgétaire et monétaire favorable à la croissance, un budget européen réformé, de nouvelles politiques communes. Cela valide totalement l'action du Gouvernement et celle de la France au sein de l'Europe et les décisions qui y sont prises.

Oui, il faut créer une taxe sur les transactions financières. Vous avez pu constater que cette décision, qui, à l'initiative de la France, était à l'ordre du jour du G20, continue à faire son chemin, à tel point que la France a dit que, si elle ne voulait pas y aller seule, elle était prête à y aller la première et à tout faire pour que la taxe soit efficace.

Oui, il faut soutenir l'investissement. La Commission travaille précisément pour encourager le développement du capital-risque et la mise en place des project bonds, qui permettront de financer des projets concrets et favoriseront le développement économique des régions, en particulier des régions frontalières.

Oui, il faut réformer le budget européen pour lui donner plus d'efficacité. C'est la position que défend la France au Conseil des affaires générales européen dans les négociations sur le prochain cadre financier pluriannuel 2014-2020 : nous pensons que nous pouvons dépenser mieux et dépenser moins. Dans ce contexte, nous demandons une évaluation de toutes les politiques budgétaires et des fonds structurels qui sont attribués.

La proposition de résolution veut également « donner plus de poids au Parlement européen et aux Parlements nationaux ». À l'initiative de la France, et grâce à l'action essentielle de Pierre Lequiller, le traité SCG permet au président du Parlement européen de participer à certains sommets de la zone euro. Sur la base d'une initiative française, il met également en place une conférence parlementaire, qui réunira les représentants des commissions concernées du Parlement européen et des Parlements nationaux afin de débattre des politiques budgétaires et des projets européens.

Par ailleurs, vous réclamez une plus grande démocratisation du processus décisionnel européen, dont vous critiquez la lenteur. Est-il vraiment illégitime que des chefs d'État et de gouvernement, élus démocratiquement par les différents peuples, puissent prendre certaines décisions lorsque l'urgence le réclame ? Souvent, la lenteur que nous avons constatée s'expliquait par les délais de la validation, par l'ensemble des Parlements, des décisions qui avaient été prises. Qu'on songe à ce qui s'est passé pour l'extension du Fonds européen de stabilité financière, qui a été demandée par la France, acceptée par nos amis allemands et l'ensemble des pays européens, et qui a dû être validée ensuite par les vingt-sept Parlements nationaux.

J'ai bien entendu la critique sur le système « merkozien ». Mais si la France et l'Allemagne ne prenaient pas l'initiative, qui le ferait ? Avez-vous vu, pendant la crise, une proposition qui émane de la Commission et qui soit susceptible d'entraîner l'adhésion de l'ensemble des pays européens ? Heureusement qu'il y a une forte entente franco-allemande pour faire avancer ces projets.

Certes, c'est un jeu de demander qui, de la France ou de l'Allemagne, a gagné. Si un gouvernement économique européen se constitue, si le Fonds européen de stabilité financière s'est étendu, si le Mécanisme européen de stabilité a permis de mettre en oeuvre une solidarité envers l'ensemble des peuples, ne le doit-on pas à l'initiative de la France ? Ne lui doit-on pas aussi le fait que la Banque centrale européenne, agissant en toute indépendance, ait fait en sorte d'apporter 200 milliards d'euros sur les dettes souveraines et des liquidités à hauteur de 500 milliards d'euros ?

Lorsque je vais en Allemagne, les journalistes me demandent volontiers pourquoi la Chancelière cède toujours devant le Président de la République française. Dès que je reviens en France, on me pose la question inverse : pourquoi la Chancelière allemande impose-t-elle toujours ses décisions au Président de la République ? La méthode communautaire, c'est le compromis. Vingt-sept États sont autour de la table, dix-sept dans la zone euro. Ce n'est pas céder que de faire un pas vers l'autre, et ce n'est pas céder que de construire l'Europe ensemble.

Vous avez évoqué les euro-obligations. Vous savez très bien qu'il ne serait pas acceptable, aujourd'hui, vis-à-vis de l'opinion publique allemande et française, que les dettes soient mutualisées. Allez expliquer aux Français que la dette grecque doit être mutualisée, sans que la Grèce ne consente aucun effort particulier. Allez expliquer que les 130 milliards qui ont été donnés par l'Europe, les 100 milliards de dettes privées qui ont été effacées doivent être totalement mutualisés. Les Français, j'en suis sûr, comprennent parfaitement que cette mutualisation de la dette passe d'abord par une rigueur budgétaire acceptée par tous.

Je n'accepte pas l'idée que la Grèce soit sous tutelle, car on ne met pas les peuples sous tutelle. Je n'accepte pas davantage que l'on dise que l'Europe punit la Grèce. L'Europe aide la Grèce. À qui fera-t-on croire que, en donnant 230 milliards d'euros à un pays en difficulté, on entend le punir ? Si le peuple grec se réforme, ce n'est pas contre la rigueur présente, mais contre le laxisme passé.

Vous avez demandé aussi que le traité soit révisé. Je n'insisterai pas sur ce sujet. J'ai d'abord entendu parler de « révision », puis d'« ajout », et enfin d'« inflexion ». Qui peut croire un seul instant qu'un traité se renégocie à l'occasion d'un changement de gouvernement ?

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