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Intervention de Camille de Rocca Serra

Réunion du 7 mars 2012 à 10h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCamille de Rocca Serra, rapporteur spécial :

Monsieur le Président, avant de compléter la présentation du rapport, je souhaiterais insister sur la qualité du travail réalisé en commun avec Marc Goua. Le sujet était sensible, techniquement difficile, et, malgré cela, nous avons abouti à une analyse partagée et à des conclusions communes. Je crois que ce rapport qui nous a réunis pourrait être signé par toute personne raisonnable qui s'intéresse à la filière nucléaire. Jusqu'au bout de la législature, la commission des Finances aura donc conservé sa tradition d'analyse objective et de consensus.

Si nous avons dégagé de grandes lignes de consensus, je souhaiterais toutefois apporter quelques nuances sur certains points évoqués par Marc Goua.

En premier lieu, j'estime que les travaux de l'Autorité de sûreté nucléaire et le récent rapport de la Cour des comptes remis à la demande du Premier ministre apportent l'ensemble des éléments nécessaires à un débat éclairé.

En deuxième lieu, je crois qu'il faut relativiser l'avis de la Cour des comptes sur le fait que la prorogation de la durée de vie des centrales s'imposerait à nous sans qu'aucune décision explicite n'ait été prise. L'abandon de Superphénix à la fin des années 1990 et la décision d'EDF, en 2003, de rallonger de dix ans la durée d'amortissement de ses installations nucléaires ont donné une claire orientation à la politique nucléaire française et ne peuvent être considérés comme des décisions implicites.

Enfin, en ce qui concerne le mix énergétique, je pense que tout le monde s'accordera à dire que, compte tenu de la prorogation de la durée de vie des centrales, il ne pourra évoluer avant 2050 et que toute modification antérieure à cette date sera particulièrement coûteuse pour les consommateurs.

Notre tâche consiste donc à donner une visibilité de long terme aux exploitants qui doivent investir sur très longue période – près de cent ans s'écoulant entre la pose de la première pierre d'une centrale nucléaire et son démantèlement.

Ces précisions étant faites, je souhaiterais, pour ma part, insister sur la question de la prolongation de la durée de vie du parc nucléaire et sur les exigences de sûreté qui y sont associées. À cet égard, il y a deux certitudes étayées par le rapport :

– d'une part, la prolongation de la durée de vie des centrales actuelles est la solution la moins onéreuse tant pour EDF que pour les consommateurs ;

– d'autre part, aucun compromis ne saurait être fait sur le niveau de sûreté des centrales ainsi prolongées.

Tous les travaux nécessaires seront donc déterminés par l'Autorité de sûreté nucléaire sur des critères techniques. En aucun cas, le critère financier ne devra entrer en ligne de compte pour déterminer le niveau de sûreté.

Ce postulat étant posé, se pose immédiatement la question de la capacité d'EDF à supporter la charge financière associée à ces investissements tout en poursuivant son développement à l'étranger et en continuant à verser un dividende substantiel. Sur ce point, le rapport montre que, sur la période 2012-2015, EDF sera en mesure de faire face sur ces trois fronts à une double condition :

– que la croissance de son résultat soit conforme à ses prévisions (croissance annuelle de l'excédent brut d'exploitation de 5% en moyenne) ;

– que le déficit lié à la CSPE soit résorbé, comme prévu, à horizon 2015.

Si ces conditions ne sont pas remplies, EDF devra savoir que la sûreté du parc nucléaire français est une priorité absolue et que des arbitrages devront être faits sur les autres investissements, notamment sur le développement à l'international.

L'autre point central du rapport est l'affaire « UraMin ». Les conclusions que nous avons tirées de notre travail d'investigation sont dans la ligne des premiers rapports publiés à l'automne. Plusieurs points méritent d'être soulignés.

En premier lieu, au moment de sa réalisation, une telle opération faisait sens, dans la mesure où l'on anticipait une hausse durable du cours de l'uranium et où Areva connaissait divers problèmes sur ses mines nigériennes et canadiennes.

En deuxième lieu, l'opération avait été conditionnée par l'APE à l'entrée au capital de la future filiale de partenaires – un partenaire chinois ayant été pressenti. Areva n'a pas respecté cette condition.

Enfin, je souhaiterais apporter à cette affaire mon éclairage particulier de rapporteur spécial pour les participations de l'État. L'État actionnaire n'a pas réuni l'ensemble des moyens à sa disposition pour se faire une opinion éclairée sur l'opération car l'expertise du BRGM n'a pas été mobilisée.

Toutefois, le point important à retenir dans cette affaire est la profonde asymétrie d'information entre l'APE et les entreprises qu'elles contrôlent. L'ancienne direction d'Areva, en effet, semble n'avoir pas transmis l'ensemble de l'information pertinente sur l'acquisition, en particulier certains rapports d'experts alertant sur des incertitudes quant au bien-fondé de l'opération. EDF, pour sa part, disposait d'une analyse qui l'avait conduit à refuser l'opération mais n'a pas transmis ces informations à l'APE.

En dépit de ses efforts et de son expertise, l'APE ne pouvait donc être en mesure d'évaluer correctement l'opération. Ce problème structurel auquel l'État actionnaire est confronté pourrait, à mon sens, faire l'objet, au cours de la prochaine législature, d'un travail de la commission des Finances.

La commission des Finances avait été, en 2003, à l'origine de la création de l'APE avec le rapport de notre collègue Michel Diefenbacher réalisé après l'affaire « France Télécom ». Après l'affaire « UraMin », je crois qu'une nouvelle réflexion sur le renforcement de l'État actionnaire doit être engagée et que, dans cette perspective, l'attachement de notre Commission à l'objectivité et au consensus sera précieux pour définir les évolutions souhaitables.

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